La musique, les droits d'auteur, les droits voisins et la protection des Ćuvres - CNM
La musique, les droits dâauteur, les droits voisins et la protection des Ćuvres
Une lĂ©gislation sâest forgĂ©e au fur et Ă mesure des Ă©volutions, reconnaissant aux auteurs dâĆuvres, puis aux interprĂštes, aux producteurs (vidĂ©o et audio) et Ă certains mĂ©dias (radios, TV) des prĂ©rogatives qui les protĂšgent de la contrefaçon et qui leur offrent une rĂ©munĂ©ration en contrepartie de la diffusion de leur travail. Seront dâabord prĂ©sentĂ©s ici les droits reconnus aux auteurs, puis ceux reconnus au titre de droits voisins, avant dâaborder la question du dĂ©pĂŽt des Ćuvres par les auteurs.
Contribution : Sandrine NĂ©dellec, juriste
Droits dâauteur
Pour qui et pourquoi ?
Le droit dâauteur est reconnu au crĂ©ateur (compositeur, parolier, arrangeur) dâune Ćuvre de lâesprit.
Pour ĂȘtre protĂ©gĂ©e, lâĆuvre doit ĂȘtre originale, autrement dit elle doit porter lâempreinte de la personnalitĂ© de son auteur, elle doit exprimer son apport crĂ©atif.
LâoriginalitĂ© de lâĆuvre nâimplique pas lâidĂ©e de nouveautĂ© (ex. : arrangements ou adaptations). Toute Ćuvre peut ĂȘtre protĂ©gĂ©e, il nây a pas de distinction selon le genre (littĂ©rature, musique), la forme dâexpression (Ă©crit, oral), la destination ou le mĂ©rite.
Une idĂ©e nâest pas protĂ©geable, seuls les objets dĂ©terminĂ©s rĂ©sultant dâune conception personnelle et rĂ©pondant au critĂšre dâoriginalitĂ© sont protĂ©geables par le droit dâauteur.
DĂšs lors que lâĆuvre rĂ©pond aux exigences lĂ©gales, lâauteur se voit reconnaĂźtre deux sortes de droits :
â un droit moral : ce droit reconnaĂźt Ă lâauteur le droit de revendiquer la paternitĂ© de lâĆuvre, la possibilitĂ© de contrĂŽler la destinĂ©e de son lâĆuvre en sâopposant Ă toute dĂ©formation de lâĆuvre, mutilation ou autre modification sans son autorisation ;
â des droits patrimoniaux : ces droits permettent Ă lâauteur et Ă ses ayants droit dâobtenir une rĂ©munĂ©ration en contrepartie de lâexploitation de son Ćuvre.
Les auteurs bĂ©nĂ©ficient de ces droits sans avoir Ă effectuer un dĂ©pĂŽt quelconque de leur Ćuvre. La simple crĂ©ation dâune Ćuvre originale suffit Ă la protĂ©ger.
En pratique, il est conseillĂ© de se constituer une preuve de cette titularitĂ© en effectuant un dĂ©pĂŽt auprĂšs dâun officier ministĂ©riel (notaire, huissier) ou de lâINPI (Institut national de la propriĂ©tĂ© industrielle â https://www.inpi.fr/).
Le droit moral : la protection de lâĆuvre
Les caractéristiques du droit moral
Il se compose du droit de divulgation, du droit au respect du nom et de la qualitĂ©, du droit au respect de lâĆuvre et du droit de retrait et de repentir (art. L. 121-1 du CPI) :
- grĂące au droit de divulgation, lâauteur dĂ©cide du moment et des conditions dans lesquels son Ćuvre sera mise Ă la disposition du public pour la premiĂšre fois ;
- par le droit au respect du nom et de la qualitĂ© : le nom et les qualitĂ©s de lâauteur seront mentionnĂ©s Ă chaque publication, lâauteur pouvant aussi dĂ©cider de garder lâanonymat ou dâutiliser un pseudonyme ;
- le droit au respect de lâĆuvre interdit toute modification sans autorisation de lâauteur ;
- enfin, par le droit de retrait et de repentir, lâauteur peut revenir sur sa dĂ©cision et ainsi faire cesser toute exploitation de son Ćuvre ou des droits quâil a cĂ©dĂ©s, moyennant indemnisation par lâauteur.
Le droit moral est perpétuel, inaliénable, imprescriptible.
PerpĂ©tuel : il ne sâĂ©teint pas au dĂ©cĂšs de lâauteur puisque ses droits sont transmis Ă ses hĂ©ritiers.
InaliĂ©nable : le droit moral ne peut pas ĂȘtre cĂ©dĂ© Ă des tiers contre rĂ©munĂ©ration. Tout contrat stipulant le contraire serait nul.
Imprescriptible : le non-usage du droit moral pendant une longue pĂ©riode par lâauteur ne lui fait pas perdre le droit de lâexercer.
Les droits patrimoniaux : lâexploitation de lâĆuvre
Le contenu des droits patrimoniaux
Ils permettent Ă lâauteur dâautoriser ou dâinterdire toute exploitation de son Ćuvre. Ils permettent Ă lâauteur dâobtenir une rĂ©munĂ©ration en contrepartie de lâexploitation de son Ćuvre. Ces droits patrimoniaux regroupent le droit de reproduction, le droit de reprĂ©sentation et le droit de suite (ce dernier ne sâappliquant quâaux Ćuvres graphiques ou plastiques, il ne sera pas prĂ©sentĂ©) :
- le droit de reproduction est le droit de fixer matĂ©riellement une Ćuvre par tous procĂ©dĂ©s. Cette reproduction permet au public dâavoir un accĂšs indirect Ă lâĆuvre par cette fixation matĂ©rielle. Le Code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle cite notamment « lâimprimerie, la photographie et tout procĂ©dĂ© des arts graphiques et plastiques ainsi que lâenregistrement mĂ©canique cinĂ©matographique ou magnĂ©tique » ;
- le droit de reprĂ©sentation permet dâavoir accĂšs directement Ă lâĆuvre grĂące Ă son exĂ©cution publique (ex. : exposition dâun tableau, exĂ©cution lyrique, tĂ©lĂ©diffusion), que ce soit par le biais dâun concert ou dâune tĂ©lĂ©diffusion par exemple.
Des exceptions Ă ces droits permettent dâutiliser lâĆuvre sans autorisation prĂ©alable de lâauteur (art. 122-5 du CPI) :
Le cercle familial
Ainsi, lâauteur ne peut interdire les reprĂ©sentations privĂ©es et gratuites dans le « cercle de famille ». Le cercle de famille sâentend par la famille et les amis, la rĂ©union ne doit pas avoir de lien avec une vie sociale ou publique et ne doit pas non plus donner lieu au paiement dâun prix.
Copies privées
Les reproductions rĂ©servĂ©es Ă lâusage du copiste plus connues sous le nom de copies privĂ©es.
Les analyses et courtes citations
Les analyses et courtes citations (sous la rĂ©serve de lâindication du nom de lâauteur et de la source) justifiĂ©es par le caractĂšre critique, polĂ©mique, pĂ©dagogique, scientifique ou dâinformation de lâĆuvre Ă laquelle elles sont incorporĂ©es, la parodie, le pastiche ou la caricature.
La durée des droits patrimoniaux
Les droits patrimoniaux peuvent sâexercer jusquâĂ soixante-dix ans Ă compter de lâannĂ©e suivant le dĂ©cĂšs de lâauteur, puis lâĆuvre tombe dans le domaine public, câest-Ă -dire quâelle pourra ĂȘtre exploitĂ©e librement et gratuitement, mais tout en respectant le droit moral des ayants droit de cette Ćuvre. Dans lâhypothĂšse dâune Ćuvre de collaboration, la durĂ©e de protection sâachĂšve soixante-dix ans aprĂšs le dĂ©cĂšs du dernier auteur.
Les droits voisins
En parallĂšle du droit dâauteur, il a Ă©tĂ© reconnu des droits Ă dâautres catĂ©gories de professionnels dont lâactivitĂ© est associĂ©e Ă la crĂ©ation par la loi no 85-660 du 3 juillet 1985 dite loi Lang.
Les droits voisins sont des droits connexes aux droits dâauteur dĂ©volus aux artistes-interprĂštes, aux producteurs de vidĂ©ogrammes et de phonogrammes, ainsi quâaux organismes de radiodiffusion et de tĂ©lĂ©diffusion :
- lâartiste-interprĂšte, dont la dĂ©finition se diffĂ©rencie de celle de lâartiste de complĂ©ment (art. L. 212-1 du CPI), sera lâexĂ©cutant dâune Ćuvre ;
- les producteurs ont lâinitiative et la responsabilitĂ© de la premiĂšre fixation dâune sĂ©quence de son ou dâimage (art. L. 213-1 et 215-1 du CPI) ;
- les organismes de communication audiovisuelle sont les chaĂźnes de radio et de TV (art. L. 216-1 CPI).
Comme le droit dâauteur, les droits voisins se composent de deux volets : un droit moral et des droits patrimoniaux. La protection confĂ©rĂ©e par les droits voisins est diffĂ©rente de celle confĂ©rĂ©e par le droit dâauteur et sâexerce indĂ©pendamment et sans prĂ©judice des droits reconnus aux auteurs (CPI, art. L. 211-1).
Le droit moral
Comme le droit de lâauteur, le droit moral est perpĂ©tuel, inaliĂ©nable et imprescriptible. Il est composĂ© du droit Ă la paternitĂ© et du droit au respect de lâinterprĂ©tation (voir chapitre prĂ©cĂ©dent). Ă noter quâen cas de conflit entre le droit de lâauteur et celui de lâinterprĂšte, câest, a priori, le premier qui primera (art. L. 212-2 du CPI).
Le droit patrimonial
Il est constituĂ© du droit dâautoriser ou non la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public par lâartiste (art. L. 212-3 CPI). Ainsi, il faudra un Ă©crit de lâartiste autorisant les conditions dâexploitation de son interprĂ©tation en contrepartie dâune rĂ©munĂ©ration distincte pour chaque mode dâexploitation.
Les producteurs ont le droit dâautoriser ou non la reproduction, la mise Ă disposition au public par la vente, lâĂ©change ou la location, ou la communication au public (art. L. 213-1 et L. 215-1 du CPI).
Les entreprises de communication disposent du droit de reproduction et de circulation de leurs programmes et de leur diffusion dans des lieux payants destinés à cet effet (art. L. 216-1 du CPI).
Les exceptions Ă ces droits sont lâutilisation ou la reproduction pour lâusage privĂ© ou dans le « cercle de famille », ainsi que les citations et les parodies.
Dans lâhypothĂšse de lâoctroi dâune licence lĂ©gale (accords passĂ©s avec divers usagers comme les radios), les autorisations du producteur et de lâartiste ne sont plus requises.
Ainsi, un CD commercialisĂ© pourra ĂȘtre utilisĂ© sans autorisation pour une communication directe dans un lieu public ou pour un passage radio (art. L. 311-2 CPI). Dans ce cas, lâartiste aura droit Ă une « rĂ©munĂ©ration Ă©quitable » (cf. fiche pratique Droits voisins et copie privĂ©e).
La protection des droits des artistes-interprĂštes et des producteurs phonographiques est Ă©tendue Ă 70 ans, sâalignant ainsi sur la protection dĂ©jĂ accordĂ©e aux auteurs (cf. la directive 2011/77/UE adoptĂ©e le 27 septembre 2011 par le Parlement europĂ©en et le Conseil de lâUE).
Cet alignement de la durĂ©e de protection des droits voisins sur les droits dâauteur sâexplique notamment par la nĂ©cessitĂ© de prendre en compte les consĂ©quences de lâallongement de lâespĂ©rance de vie.
Le dĂ©pĂŽt des Ćuvres des auteurs
Une Ćuvre est protĂ©gĂ©e du fait mĂȘme de sa crĂ©ation si elle est originale. Le dĂ©pĂŽt de lâĆuvre permet non sa protection mais la preuve de son existence.
Afin de dĂ©terminer la preuve de lâantĂ©rioritĂ© de sa crĂ©ation, des dĂ©pĂŽts sont possibles auprĂšs de diverses structures ou par divers moyens :
- le plus simple est lâenvoi Ă soi-mĂȘme en recommandĂ© avec accusĂ© de rĂ©ception, le cachet de La Poste faisant foi et lâenveloppe ne devant pas ĂȘtre dĂ©cachetĂ©e. Cette solution trĂšs facile nâest cependant pas conseillĂ©e, car elle est susceptible dâĂȘtre moins fiable juridiquement ;
- le dĂ©pĂŽt auprĂšs de lâINPI (Institut national de la propriĂ©tĂ© industrielle) par le biais dâune enveloppe « Soleau ». Cette double enveloppe achetĂ©e Ă lâINPI (15 âŹ) ou commandĂ©e sur la boutique en ligne reçoit les documents Ă protĂ©ger puis est renvoyĂ©e Ă lâINPI afin dâĂȘtre perforĂ©e et un numĂ©ro dâordre est donnĂ©. Un volet est gardĂ© Ă lâINPI, un autre est renvoyĂ© au dĂ©positaire. Cette enveloppe est conservĂ©e durant cinq ans, avec une prorogation possible de cinq ans, moyennant paiement de 15 âŹ.
Cette solution nâest cependant pas toujours pratique pour les auteurs dâĆuvres musicales, car il ne pourra ĂȘtre insĂ©rĂ© dans lâenveloppe un objet qui gĂȘnerait la perforation (un CD par exemple) ; - le dĂ©pĂŽt auprĂšs dâun officier ministĂ©riel (huissier, notaire) est une solution efficace mais coĂ»teuse (entre 200 et 300 âŹ) ;
- le dĂ©pĂŽt auprĂšs du SNAC (Syndicat national des auteurs compositeurs) : un exemplaire intĂ©gral de lâĆuvre Ă protĂ©ger sera envoyĂ© dans une enveloppe. En ce qui concerne la musique, il est demandĂ© de fournir les partitions sur support papier.
Cependant, pour ceux qui ne sont pas en mesure dâĂ©tablir les partitions Ă©crites, le SNAC admet le dĂ©pĂŽt sur un support magnĂ©tique ou numĂ©rique (CD, MD). La durĂ©e du dĂ©pĂŽt est de cinq ans pour un coĂ»t de 35 euros (2014) (www.snac.fr) ; - le dĂ©pĂŽt auprĂšs de la Sacem (SociĂ©tĂ© des auteurs, compositeurs et Ă©diteurs de musique).
LâadhĂ©sion et le dĂ©pĂŽt auprĂšs de la Sacem
Conditions dâadmission pour lâadhĂ©sion :
Il faut avoir composĂ© ou Ă©crit au moins cinq Ćuvres et justifier dâun dĂ©but dâexploitation de lâune de ces Ćuvres, soit par la diffusion publique dâune ou plusieurs Ćuvres interprĂ©tĂ©es cinq fois au cours de cinq sĂ©ances diffĂ©rentes sur une pĂ©riode supĂ©rieure Ă six mois, soit par lâenregistrement dâau moins une Ćuvre sur disque, CD, support multimĂ©dia ou vidĂ©o commercialisĂ©e.
Procédure de dépÎt :
Il faudra remettre Ă la Sacem, avec les bulletins de dĂ©claration (fournis par la Sacem), un enregistrement sonore, accompagnĂ© du texte Ă©crit sâil sâagit de chansons ou les manuscrits de vos Ćuvres : partition complĂšte, câest-Ă -dire mĂ©lodie et harmonisation.
Pour les membres dâun groupe, la dĂ©claration des Ćuvres peut ĂȘtre faite au nom du groupe, il suffit de donner Ă la Sacem la liste des personnes qui constituent le groupe et de lâinformer de toute modification dans sa composition. Cependant, chaque membre devra remettre un dossier dâadmission individuel (formulaire de demande dâadmission, photos dâidentitĂ©). Le groupe devra avoir Ă©crit et composĂ© au moins cinq Ćuvres et justifier dâun dĂ©but dâexploitation de ses Ćuvres. Pour les compositeurs de musique Ă©lectronique, les conditions sont les mĂȘmes, mais parce quâil est difficile de transcrire ces compositions musicales sur partitions, la Sacem accepte le dĂ©pĂŽt des Ćuvres sur support sonore.
Une fois lâadhĂ©sion faite et aprĂšs paiement des droits dâentrĂ©e (154 ⏠en 2017), lâauteur aura lâobligation de dĂ©poser toutes ses futures Ćuvres (lâinscription Ă la Sacem en tant quâauteur est donc exclusive), chaque dĂ©pĂŽt ayant une durĂ©e illimitĂ©e et nâentraĂźnant pas de nouveaux droits dâentrĂ©e.
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